samedi 1 septembre 2007

Mauvaise récolte

Si l’inauguration de l’usine d’éthanol de Varennes fait la joie des producteurs de maïs qui n’ont cessé de pousser sur ce projet pour écouler leurs surplus, l’entreprise laisse dubitatif quant à l’impact réel de ce biocarburant sur l’amélioration de l’environnement. Pourquoi en parler dans ce magazine? Parce que cela risque d’avoir aussi des conséquences désolantes sur les populations d’oiseaux champêtres… En plus du reste.

De nombreuses recherches ont déjà démontré que l’éthanol fabriqué à partir du maïs affichait un bilan énergétique négatif car il exige plus d’énergie pour le produire que le carburant obtenu en bout de ligne. Ce constat tient compte notamment de l’énergie – généralement non renouvelable – qui est nécessaire pour faire fonctionner la machinerie agricole, transporter les récoltes et transformer le grain en alcool.

Pour ce qui est du bilan environnemental, il est tout aussi négatif. En fait, il n’y a probablement pas de culture plus dommageable que celle du maïs : appauvrissement et érosion des sols, épandages massifs de pesticides, surfertilisation, lessivage des engrais dans les fossés et les cours d’eau, autant de retombées qui donnent une très mauvaise cote à cette céréale déjà cultivée de manière industrielle pour répondre aux besoins croissants de la filière porcine.

Comme si tous ces impacts accablants n’étaient pas assez, la monoculture intensive du maïs a aussi pour conséquence de réduire les habitats propres aux oiseaux champêtres qui, soit dit en passant, accusent une diminution notable depuis l’industrialisation de l’agriculture et l’avènement de nouvelles pratiques culturales. Une tendance qui ne va qu’en s’accentuant selon les données de la banque ÉPOQ.

Qu’ont en commun la Sturnelle des prés, le Bruant des champs, l’Alouette hausse-col et la Pie-grièche migratrice? Elles se retrouvent sur la liste des 20 espèces familières de l’Amérique du Nord qui affichent la plus forte baisse de population depuis 40 ans. Quatre espèces qui ont vu les campagnes se transformer année après année au cours de la même période.

Il faudrait être plutôt naïf pour exiger que l’agriculture, qui peine déjà à rendre ses méthodes de production plus écologiques, tienne compte en outre des oiseaux ayant besoin de champs en friche ou de pâturages pour se nourrir et se reproduire! Est-ce à dire que nous devons renoncer pour autant à la conservation des milieux champêtres? Sûrement pas, mais il est manifestement plus difficile d’attirer l’attention sur ce type d’habitat que sur la forêt vierge.

N’empêche qu’il y a des exceptions, fort heureusement, comme la réserve naturelle du ruisseau Breckenridge, créée grâce à la générosité de donateurs de l’Outaouais qui ont cédé l’héritage de leur famille à deux organismes de conservation. Un milieu pastoral où on tente justement de réintroduire la Pie-grièche migratrice, cette espèce en péril dont les observations se font de plus en plus rares dans le nord-est de l’Amérique. Et un endroit susceptible d’accueillir le Bruant sauterelle, un autre campagnard dont l’avenir est menacé au Québec.